♦ closer to the edge

I don't remember the moment I tried to forget - libre

Son souffle s'élevait en panaches blanches, ses naseaux glacés par le vent qui balayait ses crins vers l'avant, rabâchant sa queue sur ses jarrets, la poussant près du bord, l'obligeant à user de toute sa force pour ne pas tomber dans l'eau. Elle se trouvait au bord des eaux glacés, et les observait avec sérénité, malgré la brise qui l'attaquait et la taquinait, la bafouant dans tous les sens. Malgré sa force, Allie demeurait de marbre, ses grands yeux d'ambre dansant sur le lac et les monts qui l'entouraient, époustouflée par sa beauté, pardonnant toutes les erreurs de Gaïa tant qu'elle continuait à créer des paysages pareils. Un soupir d'aise perça ses lèvres, et la belle sourit, tandis qu'un fin rayon de soleil perça enfin les nuages gris, illuminant la petite jument.

Il avance dans le sens contraire des rafales glacées, mais il ne lutte pas - se coulant entre les différentes vagues d'air, accompagnant leurs mouvements et dansant entre toutes ces forces primaires qui mordent encore.
Sur sa croupe dégouline un flot de liquide pourpre tandis que la douleur pulse sourdement. Mais ce n'est qu'un faible prix à payer lorsqu'il retrouve la clarté presque douloureuse du monde. Il ne supporte pas la mentalité brumeuse qui est désormais son quotidien et les nombreuses cicatrices qu'il arbore prouve son combat contre celle-ci, chaque jour.

Une effluve lointaine chatouille ses naseaux - en tant normal il ne l'aurait pas sentie mais ce jour-là ses sens sont particulièrement aiguisés. Alors il prend la direction opposée à celle-ci. Et c'est ainsi qu'il tombe sur cette femelle tachetée. Elle est contre le vent alors jamais il n'aurait pu sentir son parfum. Il plisse les yeux, rageant de s'être laissé berner. Apparemment, les terres sont de plus en plus peuplées chaque jour. Il grince des dents et s'éloigne, tâchant de se reculer dans l'ombre.

Contrairement à ce que l'on aurait pensé, malgré ses années d'errance et de vie passée à se débrouiller seule, Allie n'était pas particulière indépendante. Seule, elle savait subsister mais pas vivre. Tout de même, sa robe était encore vierge de cicatrices ou de tâches de sang, et son esprit aiguisé avait encore une foie sans limites en ce bas monde, et les âmes qui y vivaient. Elle ne se considérait pas naïve, et savait que ce jugement pouvait basculer lorsqu'elle rencontrerait les mauvais, car elle savait aussi qu'il y en avait. Elle songeait à cela, et à ce que sa mère lui avait inculquait sur les vilains, lorsqu'un mouvement au coin de sa vision attira son regard. Ce qui était à première vue un arbre, dont une branche bougeait au vent, se révéla refermer un bien plus précieux secret lorsqu'elle s'en approcha après une brève hésitation. Maintenant que son attention y était entièrement, la ponette voyait la silhouette massive de l'étalon, qui espérait demeurer masqué à l'ombre. Son odeur le trahissait, et Allie ne put empêcher un sourire en coin. Passant paresseusement devant l'endroit où il se cachait, la petite pie lança : " Je ne mords pas, tu sais. "

Il est bien vite repéré. Toute tentative de dissimulation se montre vaine et il gronde d'agacement. Quelle attitude ridicule a t-il, à se cacher piètrement ! Il aurait mieux fait de passer rapidement son chemin. Il n'aurait pas piqué la curiosité de cette femelle bicolore qui passe devant lui. Il couche les oreilles, agressif, mais au fond il n'a rien contre elle. Mais toute cette rage qu'il garde au fond de lui ne le voit pas ainsi. Alors il déteste, il grogne et il reste seul.

« Mais moi si. »

Il reste immobile, la tête dressée et les naseaux frémissants, captant chaque signe envoyé par la Terre et par le Ciel. Il aurait pu immédiatement s'enfuir mais son poitrail se soulève et s'abaisse avec frénésie ; il perd pied dans les milliers de détails qu'il perçoit. C'est toujours mieux que d'être handicapé par la brume qui l'empêche de se déplacer et de réfléchir correctement.

**Contenu sponsorisé**